Prise de notes : Platformer à côté de la plaque

2023-08-28

https://www.theverge.com/2023/8/25/23845590/note-taking-apps-ai-chat-distractions-notion-roam-mem-obsidian

Voici un article de la newsletter Platformer, republié par The Verge, qui m’a agacé dès le chapeau, avec son titre attrape-clic (« Why note-taking apps don’t make us smarter »), sa prémisse discutable (« They’re designed for storage, not sparking insights ») et son sous-titre dans le vent (« Can AI change that? »), ce dernier illustrant une fois de plus la loi de Betteridge – comme le souligne fort justement l’un des commentateurs –, à savoir qu’on peut toujours répondre « non » à un titre d’article de presse rédigé sous forme de question.

Il faut lire le texte en partant de la fin, puisque c’est seulement dans les toutes dernières lignes que l’auteur admet du bout des lèvres être tombé dans le piège du collectionneur (c’est-à-dire qu’il s’est moins préoccupé d’aiguiser son esprit que d’accumuler des notes). S’il l’avait assumé dès le début de l’article, j’aurais pu passer mon chemin, plutôt que subir une énième complainte sur le mode « Mon outil ne pense pas à ma place ».

Les outils de prise de notes ne servent à rien si on n’a pas un but extrinsèque ; l’idéation fonctionne difficilement sans une question de recherche et une intention de communication. Et produire des connaissances nécessite d’organiser des connaissances. Aucune méthode de « productivité » ne peut fonctionner si on ignore ces principes. Par ailleurs, certaines pratiques d’écriture ne peuvent donner de fruits que si elle font partie d’un ensemble cohérent. Ainsi, je suis convaincu que le journaling (organiser la capture d’idées via des notes journalières), très à la mode, ne marche pas du tout, sauf couplé à une méthode de mémorisation type spaced repetition (voir à ce sujet l’intéressant projet Orbit d’Andy Matuschak).

Un outil ne se suffit donc pas à lui-même. Mais il existe un puissant marketing autour des tools for thought comme Roam, Obsidian et Notion qui voudrait nous faire croire le contraire, et qui organise puis monétise une véritable dépendance cognitive. Que l’auteur soit tombé dans ce panneau, c’est dommage pour lui mais je ne lui jette pas la pierre. Là où il se fourvoie tout seul, de manière problématique, c’est quand il en conclut que ces outils ne peuvent rien apporter au travail cognitif (« It is probably a mistake, in the end, to ask software to improve our thinking »). Engelbart doit se retourner dans sa tombe…

Tout n’est pas à jeter dans cet article. L’auteur décrit par exemple une fonctionnalité de Notion qu’il qualifie d’« IA », dont on retiendra plutôt qu’il s’agit d’indexation automatique par reconnaissance d’entités nommées, et on imagine que cela peut être très utile pour intégrer rapidement de nouveaux matériaux à une base de connaissances. De même, l’idée de pouvoir interroger sa petite curation personnelle du Web grâce à un chatbot est séduisante.

Mais globalement, j’en ressors plus énervé qu’instruit. J’éviterai de juger Platformer sur ce seul article. Néanmoins, je constate que la floraison récente de newsletters peu informatives se fait au détriment d’une information journalistique rigoureuse, laquelle devient par le même coup plus rare, et je ne peux que regretter de voir un titre comme The Verge faire de la place à ce type de « contenu » sur son site.

Via José Afonso Furtado.