Harmoniser la correction de copies avec une grille critériée et un tableur

2024-04-08

Je corrige en ce moment les écrits d’un concours national pour la deuxième année consécutive. Afin d’harmoniser le traitement des copies, je me suis fait une grille critériée dans un tableur. C’est rudement efficace : je corrige mieux et plus vite.

En faisant une recherche rapide sur le Web, je m’étonne de trouver si peu de tutoriels qui expliquent comment fabriquer ce type d’outil. Je ne parle pas du concept même de grille critériée – là-dessus, on trouve des dizaines d’explications et d’exemples – mais bien de la fabrication dans un logiciel d’une grille qui facilite le calcul des notes et la rédaction des appréciations. Alors voici ma petite contribution.

Qu’est-ce qu’une grille critériée ?

Une grille critériée est un outil d’aide à l’évaluation qui décompose l’objectif à atteindre sous forme de critères, avec pour chaque critère plusieurs niveaux, chacun associé à un barème.

Voici un exemple de critères d’évaluation (c’est un petit extrait de ma grille pour le concours dont je parlais plus haut, légèrement retouché) :

niveau identifier et définir les notions clés formuler une problématique soigner la présentation d’un écrit
0 Les notions clés ne sont pas définies. Il n’y a pas de problématique. La présentation n’est pas conforme aux attentes de l’épreuve.
1 Les notions clés sont mal définies. La problématique dégagée n’est pas pertinente. La présentation manque un peu de rigueur.
2 Les notions clés sont pour la plupart bien définies. La problématique dégagée est pertinente. La présentation est correcte.
3 Les notions clés sont toutes clairement définies. La problématique dégagée est pertinente et originale. La présentation est particulièrement soignée.

Dans cet exemple, le barème pourrait être 0 point pour le niveau 0, 1 point pour le niveau 1, etc. On pourrait aussi décider que le deuxième critère est plus important que les autres et donc lui appliquer un coefficient.

Faire une grille critériée sert plusieurs objectifs. Cela permet d’harmoniser l’évaluation : la grille réduit la subjectivité, notamment en réduisant les biais inhérents au processus de correction. La grille peut aussi servir de support de communication entre évaluateur et personnes évaluées, pour que les modalités soient transparentes. Et elle permet aussi à l’évaluateur de travailler son alignement pédagogique – la cohérence entre les objectifs d’apprentissage, les activités et l’évaluation.

Utiliser un tableur pour faire une grille critériée

Pour faciliter l’évaluation sur la base d’une grille critériée, on peut utiliser un tableur. L’intérêt est d’automatiser les calculs mais aussi de fournir une aide à l’écriture des appréciations, grâce à quelques fonctions fort utiles.

Attention : il ne s’agit pas de tout automatiser. J’imagine que certains caressent la possibilité d’utiliser un générateur de texte basé sur un grand modèle de langue pour corriger leurs copies… Pas de ça ici.

Voici donc un exemple basé sur le tableur Numbers (macOS), probablement transposable à LibreOffice Calc, Microsoft Excel, Google Sheets, Airtable, etc. car les fonctionnalités utilisées sont très classiques.

Je définis d’abord mes critères :

Puis je crée une première ligne et je commence à évaluer une copie. Dans la cellule B6, je saisis le niveau qui me semble avoir été atteint pour ce critère. La cellule suivante (C6) est alors remplie automatiquement par la fonction RECHERCHEX (l’équivalent de XLOOKUP dans Excel) en allant chercher la description du niveau correspondant :

Je remplis les deux autres critères (D6, F6). La note (cellule H6) est alors calculée automatiquement en faisant la somme des points attribués à chaque critère, le tout ramené sur 20 points :

De même, l’appréciation (cellule I6) est remplie automatiquement, grâce la fonction JOINDRE.TEXTE qui concatène le contenu des cellules remplies automatiquement par RECHERCHEX :

J’ajuste la note et l’appréciation manuellement, car le tableur doit rester une simple aide à l’évaluation :

Pour rappel, l’idée est de trouver un juste milieu entre la correction en roue libre et l’automatisation totale. Générer une note sur la base d’un barème normalisé permet d’atténuer les biais ; ajuster la note manuellement permet de refléter la spécificité du travail évalué. De même pour l’appréciation : le fait de générer une trame aide à formuler un commentaire informatif, dans lequel on n’oublie pas d’élément important ; personnaliser le commentaire remet de l’humain dans le processus. L’exemple ci-dessus est un peu artificiel car il y a peu de critères. Mais quand on commence à monter au-dessus d’une dizaine de critères, c’est plus probant. D’ailleurs, c’est à ça que servent les couleurs : ce n’est pas juste une coquetterie ! Plus les critères sont nombreux, plus les paragraphes formés automatiquement par JOINDRE.TEXTE sont longs. Les couleurs fournissent alors un indicateur visuel du niveau global de la copie. Ce n’est pas indispensable mais c’est une aide supplémentaire.


Une fois ce système en place, on peut enchaîner :

Comme je le disais au tout début, j’utilise un tableur de ce genre en ce moment pour m’aider à corriger les copies d’un concours. Pour l’instant, ça fonctionne bien ! Je pense que je vais très vite réutiliser cet outil dans mes cours.